: : : Les imbéciles pensent que tous les noirs se ressemblent.
Je connais un noir qui trouve, lui, que tous les imbéciles se ressemblent. : : :
: : : Philippe Geluck
:
Je n’avais aucune idée des choses, que tous les sentiments
m’étaient déjà connus.Je n’avais rien conçu, j’avais tout senti.
Ces émotions confuses, que j’éprouvais coup sur coup,
n’altéraient point la raison que je n’avais pas encore ;
mais elles m’en formèrent une d’une autre trempe, et me
donnèrent
de la vie humaine des notions bizarres et romanesques,
dont l’expérience et la réflexion n’ont jamais bien pu me guérir.
J. J. Rousseau, Les confessions
: Et comme dans ce jeu où les Japonais s’amusent à tremper dans un bol
de porcelaine rempli d’eau, de petits morceaux de papier jusque-là indistincts qui,
à peine y sont-ils plongés s’étirent, se contournent, se colorent, se différencient,
deviennent des fleurs, des maisons, des personnages consistants et reconnaissables,
de même maintenant toutes les fleurs de notre jardin et celles du parc de M. Swann,
et les nymphéas de la Vivonne, et les bonnes gens du village et leurs petits logis
et l’église et tout Combray et ses environs, tout cela qui prend forme et solidité,
est sorti, ville et jardins, de ma tasse de thé.
: Du côté de chez Swann - Marcel Proust
Bordeaux - 23 mars 1917,
Félix Cheriez, avant d'embarquer à bord du "Montréal"
écrit à Andrée Deroo.
Carte postale : Le Montreal.
Extrait du journal "Le Temps"
en date du 30 mars 1917
Le Cargo "Montreal" (capitaine Arqué)
Attaqué par un sous-marin allemand le 24 mars
à 21 heures, dans le golfe de Gascogne.
Le navire est torpillé sans avertissement ;
il y avait 95 hommes à bord, équipage et passagers.
Il y eut 19 morts ou disparus, dont 5 passagers.
Félix était parmi les victimes.
: : : Mais quand même je ne connaitrais pas la nature des éléments
j'oserais assurer à la simple vue du ciel et de la nature entière,
qu'un tout aussi défectueux n'est point l'ouvrage de la divinité. : : :
: : : De rerum natura - Lucrèce
The Cleveland skyline from down by the boat pier - 1930
L'éléphant Würsa par Daniel Firman, Palais de Tokyo
:
L'éléphant de Roland Topor
:
L'éléphant de Miguel Barcelo - Avignon
:
: Sur la terre, jusque là commune à tous aussi bien que l'air
ou la lumière du soleil, l’arpenteur défiant traça de longs sillons
pour limiter les champs.
L'homme ne se contenta plus de demander à la terre féconde
les moissons et les aliments qu'elle lui devait, mais il pénétra
jusque dans ses entrailles ; il en arracha ce qu'elle y avait caché,
ce qu'elle avait relégué près des ombres du Styx,
les trésors qui provoquent nos malheurs.
: Ovide - Les métamorphoses
:
Cependant sur le dos de la plaine liquide
S’élève à gros bouillons une montagne humide.
L’onde approche, se brise, et vomit à nos yeux,
Parmi des flots d’écume un monstre furieux
Son front large est armé de cornes menaçantes,
Tout son corps est couvert d’écailles jaunissantes.
Indomptable taureau, dragon impétueux,
Sa croupe se recourbe en replis tortueux.
Ses longs mugissements font trembler le rivage.
Le ciel avec horreur voit ce monstre sauvage ;
La terre s’en émeut, l’air en est infecté ;
Le flot qui l’apporta recule épouvanté.
: Racine - Phèdre
: Théramène : récit de la mort d'Hippolyte
Giotto - L'entrée du Christ à Jerusalem - 1303-1306 - Padoue
Marie-Laure - Bonneville 1957 - Hôpital Foch 1968
Bonneville - 1965
Marie-Laure et Gérard
Retour du Cap-Nord en 4 CV - 1964
Bob, Marie-Laure, Julia, Nadine chez Tante Andrée à Paris
Photo Reinhardt Wies
Et pourquoi pas le cheval, le chien, le singe,
ou l'homme de Buridan ?
Tout simplement.
En Bretagne
« Entrez ! Cria Rilke, c'est ouvert ! »
La jeune femme passa d'abord la tête par l'entrebâillement de la porte,
comme si l'invitation du poète ne suffisait pas à la rassurer.
Le vit de dos, assis au bureau que lui avait donné M. Rodin.
Voûté, comme d'habitude. Mais il n'écrivait pas.
Rilke fit un geste vague, de la main droite, sans se retourner.
Ça devait vouloir signifier qu'il l'engageait à entrer et à faire le ménage
sans s'occuper de lui.
« Bonjour Monsieur, dit-elle à demi voix en pénétrant sur la pointe des pieds.
- Bonjour, Mathilde, répondit Rilke distraitement.
- Je vais commencer par la chambre, dit-elle dans un murmure, tout en
refermant la porte avec précaution.
- Mm » fit Rilke.
: Montée en première ligne - Jean Guerreschi
Aquarelles de Jules Pinasseau, Campagne de Belgique, 1917
Ah Dieu ! que la guerre est jolie
Avec ses chants ses longs loisirs
Cette bague je l’ai polie
Le vent se mêle à vos soupirs
Adieu ! voici le boute-selle
Il disparut dans un tournant
Et mourut là-bas tandis qu’elle
Riait au destin surprenant
: L'Adieu du cavalier
: :
Guillaume Apollinaire, Calligrammes
Ne crois pas que la mort en sa rigueur première
Fermât beaucoup plus d’yeux à la douce lumière.
Certes, plus d’un, surpris et, lambeau par lambeau,
Tout vif enseveli dans un vivant tombeau,
Pantelante pâture offerte aux représailles,
Voyant la dent vorace entamer ses entrailles,
Remplissait les forêts de cris désespérés.
Ceux que sauvait la fuite, à moitié dévorés,
De leurs tremblantes mains couvraient leurs noirs ulcères
Et suppliaient la mort de finir leurs misères,
Sans secours, et laissant les vers cruels tarir
Leur vie avec le mal qu’ils ne savaient guérir.
Mais on ne voyait pas, comme au siècle où nous sommes,
La guerre en un seul jour faucher des milliers d’hommes.
: : : De rerum natura de Lucrèce
Iᵉʳ siècle av. J.-C.
Suzan (la fille de Isabelle et Yves) - 1958
Exposition Anne Cheriez et Julia Roland
Les citrons - Julia-Roland - 2014
Souka, quant à elle, regardait le nouveau-né.
Elle en avait reçu dans ses mains larges et puissantes.
Elle en avait sectionné des cordons ombilicaux!
Enterré des placentas!
Aussi lui suffisait-il d'étudier le dessin d'une bouche,
le modelé d'une paupière pour deviner l'enfant qui ferait
l'orgueil de ses parents ou, au contraire, celui qui se traînerait
longtemps sur des jambes trop grêles.
Elle savait que le petit garçon qu'elle tenait là sur ses genoux
serait un aventureux, promis à un destin singulier.
Claudine, 1957, 1964, 1982
Claudine, Abbaye de Royaument - 2008
Fresque dans l'église de Corancy - Nièvre
La cabane du jardin des Crouteaux, à Charny en Puisaye
: A quoi bon avoir une maison si l'on
n'a pas de planète acceptable où la mettre ?
: : : Henry David Thoreau :
ORESTE
Quoi ? Pyrrhus, je te rencontre encore ?
Trouverai-je partout un rival que j’abhorre ?
Percé de tant de coups, comment t’es-tu sauvé ?
Tiens, tiens, voilà le coup que je t’ai réservé.
Mais que vois-je ? À mes yeux Hermione l’embrasse ?
Elle vient l’arracher au coup qui le menace ?
Dieux ! quels affreux regards elle jette sur moi !
Quels démons, quels serpents traîne-t-elle après soi ?
Hé bien ! filles d’enfer, vos mains sont-elles prêtes ?
Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ?
À qui destinez-vous l’appareil qui vous suit ?
Venez-vous m’enlever dans l’éternelle nuit ?
Venez, à vos fureurs Oreste s’abandonne.
Mais non, retirez-vous, laissez faire Hermione :
L’ingrate mieux que vous saura me déchirer ;
Et je lui porte enfin mon cœur à dévorer.
: Andromaque, Racine
Le Caravage, "Tête de Méduse", 1597.
: Frère, il y a dans presque
toutes les choses terrestres
je ne sais quelle lie ou quel déboire
qui vous en dégoûtent,
et les rares objets qui par hasard
ont la perfection en partage sont
mortellement tristes.
: : : Marguerite Yourcenar
: : : L'Œuvre au Noir
1957 Pierre Boyer et Martine - tout une époque !
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